Partie 2:
Dans la précédente partie nous avons détaillé les 3 premiers P de la méthode, c’est à dire les 3 Paramètres.
Maintenant abordons les 3 P suivants.
Les 3 Piliers:
De manière schématique, on peut dire que nos compétences sont constituées de 3 piliers:
- La technique
- L’analyse
- Le mental
Détaillons chacun d’entre eux:
La Technique:
Il s’agit là de la technique liée au pilotage. Par exemple savoir décoller face voile, être capable de faire une tempo parfaite, de reposer au décollage, savoir tirer son parachute de secours et s’en servir… Le panel technique du pilote est quasi sans limite car chaque geste peut être travaillé et retravaillé dans des contextes bien différents. On peut progresser sur la précision, le timing, la sensibilité, etc...
Le pilier de la technique est peut-être le plus facile à développer. Pour cela, il suffit de prendre une aile et de jouer au sol avec: rien que de cette façon, vous progresserez. Bien entendu, ce ne sera pas suffisant pour faire de vous le meilleur technicien mais cela constitue déjà une base solide.
Nous ne nous attarderons pas sur ce pilier car tout le monde comprend ce dont il s’agit, mais nous pouvons le résumer par “Comment je fais…”
L’Analyse:
Voilà un pilier aux contours un peu plus flous. Il concerne tout ce qui est “compréhension” de la discipline et peut regrouper l’analyse aérologique et météorologie, la mécanique de vol, la réglementation aérienne, les connaissances en matériel, les plans de vol et trajectoires…
Il est indispensable de comprendre ce que nous faisons, de cerner les tenants et les aboutissants de chacune de nos actions, de chacun de nos choix. Grâce à cela nous allons pouvoir ANTICIPER et imaginer le plan A, le plan B, le plan C. Nous allons pouvoir faire les meilleurs choix, avant, pendant et après le vol. Nous serons en mesure de comprendre ce qui a marché et pourquoi ça a marché, pareillement pour ce qui n’a pas fonctionné.
L’anticipation est primordiale. Or comment anticiper si nous ne sommes pas en mesure de deviner ce qu’il va se passer?
Dès qu’on a un doute sur le plan A, on vérifie la faisabilité du plan B. Encore faut-il se rendre compte que le plan A est sur le point de merder !
Être capable d’Analyser c’est augmenter sa sécurité. Comprendre les choses c’est aussi augmenter son plaisir.
Par exemple, le pilote qui a compris le fonctionnement du système de brises saura identifier les endroits où il ne fait pas bon poser. Celui qui saura faire une bonne analyse météo choisira un site convenable pour son vol rando.
Nous pouvons résumer ce pilier par “Pourquoi je fais…”
Le Mental:
C’est un pilier tout aussi essentiel que les 2 premiers. Toutefois on n’en parle que trop peu, et surtout on ne sait pas trop ce qu’il concerne.
Nous y inclurons tout ce qui touche à nos dispositions mentales : plaisir, motivation, capacité à prendre du recul, niveau de confiance, émotions…
Tout cela viendra impacter notre niveau global et notre sécurité.
Des émotions trop fortes (peur, euphorie par exemple) peuvent nous bloquer dans notre progression, ou au contraire (trop) nous booster… Elles peuvent aussi conduire à l’effet de “tunnelisation” qui nous conduit très souvent vers l’accident.
On l’a vu avec le pilier précédent, l’Analyse est indispensable. Or comment poser des analyses justes si le mental n’est pas disponible ? Comment faire les bons choix ? De la même manière, si le mental n’est pas clair, comment être au top de son niveau technique?
Le vol libre est une activité suffisamment sérieuse pour qu’on s’y adonne avec recul et lucidité (toujours dans le but de prendre plaisir et d’assurer sa sécurité).
Il sera donc primordial que nous nous attachions à développer ce pilier au même titre que les 2 autres.
Nous pouvons résumer ce pilier par " Dans quelles dispositions je fais..."
Le jeu (car ce sera amusant !) consistera donc à étoffer nos piliers (nous verrons la méthode un peu plus loin), peu à peu, et si possible de manière égale de façon à ne pas créer un trop grand déséquilibre qui pourrait nous amener à surestimer notre niveau .
Car notre niveau sera celui du pilier le plus faible, et non la moyenne des 3 piliers.
Je m’explique: Nous avons un pilote qui est techniquement bon. Il a travaillé le tangage, le roulis, et maîtrise plusieurs techniques de descente rapide. Il est dans une bonne dynamique technique, en pleine réussite sur ses derniers vols. Il a un mental de warrior, peur de rien. Il vole sous une aile tranquille, genre B-. Il se met en l’air dans une aérologie qui lui semble calme depuis le décollage. Manque de bol, après 2 min de vol, il est confronté à une masse d’air pourrie, brassé par du foehn… Aussi bon pilote qu’il soit, il aura du travail pour maintenir son aile au dessus de sa tête et parvenir à se poser convenablement et en sécurité. S’il avait développé son pilier Analyse, sans doute se serait-il épargné ce vol franchement désagréable qui l’aura bien secoué, et peut être même effrayé au point de bloquer sa progression, voire pire, de le faire régresser. Son point faible étant l’Analyse, il était confiant en son pilotage, trop sans doute à cause d’un mental qui manquait d’objectivité et de recul.
Voyons maintenant les 3 derniers P:
Les 3 Phases de vol !
Sans surprise aucune, il y a :
- Le décollage
- Le Vol
- L’Atterrissage
Jusque là, rien de nouveau, on est d’accord…
Mais si on se penche un peu plus sur la question, il y a des différences notables entre ces phases. Surtout si ensuite on les associe au contexte.
Le Décollage:
Tout vol débute par un décollage (mis à part les largages en hélico ou en montgolfière, ce que nous ne vivons pas tous les jours!). C’est con à dire, pourtant c’est la vérité. Donc le décollage va conditionner le reste du vol. Si c’est un miracle qui nous permet de nous mettre en l’air, et qu’on en a conscience (certains décollent par miracle, mais n’en ont aucunement conscience...), alors il y a peu de chances pour qu’on surkiffe la suite. D’abord parce qu’il faudra se remettre de ses émotions, ensuite parce que cela aura forcément un impact sur le pilier Mental, et enfin parce que cela nous aura pompé de l’énergie (encore un coup aux piliers Mental et Analyse).
Au contraire, si on est serein au déco parce que notre pilier Analyse est sûr et qu’il nous affirme que les conditions sont adéquates à notre niveau technique, alors notre vol démarrera dans les meilleures dispositions : malgré un déco alimenté, on gonflera tranquillement, et décollera en sécurité, serein et attentif. Non pollué par le stress, assuré par le travail technique, nous débuterons le vol dans les meilleures conditions qui soient (Voyez comme tout est lié !).
Maintenant associons cela au contexte: il est très différent de décoller d’un site aménagé avec une moquette où on a toute la place pour s'étaler, préparer son aile, des manches à air et une pente parfaite, avec des ailes autour qui balisent la masse d’air, que de s’élancer depuis un déco exigu en montagne, avec des herbes hautes, une pente raide mais courte surplombant une falaise.
Le pilote est le même, l’aile aussi, mais l’environnement viendra ajouter du stress qui viendra impacter les piliers Analyse et Technique. Un pilier mental fort, dans cette configuration, viendra protéger les 2 autres piliers qui seront bien sollicités (décollage technique + peu d’éléments pour faire une analyse aérologique précise).
L’Atterrissage:
Tout vol finit par un retour au sol: les lois de la nature sont plutôt strictes là dessus. Si possible donc, un atterrissage. C’est aussi con à dire, pourtant c’est aussi la vérité. Donc l’atterrissage va conditionner le reste du vol. Si, si, je vous assure !
Imaginons que nous fassions un super vol: déco nickel, joli cross de 2h00, avec pour la première fois, une transition, un joli raccrochage sur la montagne d’en face, et un magnifique triangle qui nous a permis pour la première fois de voir la vallée sous un autre angle, une autre lumière. Et pour couronner le tout, on était avec le pote qui a débuté le parapente en même temps: moment partagé = plaisir décuplé. Top.
Vient alors le moment de l’atterrissage où tu te goures: tu poses vent de cul, tu finis vite et long et ton aile vient attrapper des branches d’arbre. Retour au sol un peu brutal, rien de cassé heureusement mais l’aile est déchirée. Bim, 350€ de réparation. Tout à coup ton vol a moins de saveur… Les superbes images que tu as dans la tête sont ternies par la couleur verte des billets de 100€ que tu vas devoir lâcher…
Comme quoi un vol n’est fini qu’une fois l’aile affalée et maîtrisée.
Un atterrissage aussi dépend fortement du contexte: après un vol court, un vol intense? avec une sellette string ou bien de site bien protégée? un atterro connu ou inconnu? du monde autour ou tout seul? grand, petit? plat, en pente? Dégagé, des obstacles, ouvert, encaissé, turbulent ou pas….? Autant d’éléments qui vont nécessiter d’avoir un pilier Analyse en état de marche, un pilier Technique susceptible d'être sollicité, et un pilier Mental apte à tout concilier. Bref, faut pas arriver en mode “Low Batterie”.
Donc nous venons de voir les 2 phases les plus essentielles du vol, car incontournables. Sauf que, dans l’esprit de la plupart des pilotes, c’est la phase du vol qui compte. C’est une GRAVE ERREUR.
En effet, cela conduit à négliger le décollage et l’atterrissage, et le travail de ces 2 phases qui doit rester continu toute la vie de pilote. Et cela conduit aussi à griller les étapes d’une progression solide et sécure, en cherchant de façon trop précoce à tenir en l’air et allonger la durée de leur vol alors que les phases de décollage et d'atterrissage ne sont pas encore parfaitement maîtrisées..
Le Vol:
C’est ce qu’il y a entre le décollage et l’atterrissage. Et on peut y glisser tout, n’importe quoi, et même rien … Rien d’autre que des appuis sellette pour prendre le cap de l’atterro et se laisser glisser dans l’air calme et doux du vol du soir par exemple. Ou une série de figures acrobatiques. Ou encore 200km de cross.
On ne va pas s’y attarder plus que ça, car on pourrait en parler durant des heures mais, vous l’aurez compris, il conditionnera notre atterrissage. Par conséquent, il sera judicieux de faire en sorte qu’il ne vienne pas nous mettre dans le jus au moment de faire notre prise de terrain, soit parce qu’on est trop bas, soit parce qu’on était en admiration devant le coucher de soleil, soit parce qu’on n’avait pas fait gaffe que 5 autres pilotes ont eu la brillante idée de poser en même temps que nous. La liste des conneries n’est pas exhaustive, nous avons le potentiel pour un écrire encore au moins une dizaine, facile !